Les relations entre propriétaires et locataires peuvent parfois se tendre lorsque certaines obligations ne sont pas respectées. Que vous soyez propriétaire inquiet face à un locataire qui ne paie pas son loyer, ou locataire craignant une expulsion, la clause résolutoire constitue un élément juridique majeur à comprendre. Cette disposition, devenue obligatoire depuis juillet 2023 avec l’adoption de la loi « antisquat », touche désormais tous les acteurs du marché locatif. Nous allons examiner en détail ce mécanisme juridique qui peut avoir des conséquences considérables sur votre situation, que vous soyez du côté du bailleur ou du locataire.
Table des matieres
Qu’est-ce qu’une disposition résolutoire dans un contrat locatif ?
La clause résolutoire représente une disposition contractuelle qui permet au bailleur de résilier automatiquement et de plein droit le contrat de location lorsque le locataire manque gravement à ses obligations. En termes juridiques, elle constitue un mécanisme de résolution du bail qui s’applique sans nécessiter l’appréciation d’un juge sur la gravité du manquement. Cette clause offre ainsi une voie de résiliation unilatérale et accélérée du contrat.
Depuis la loi du 27 juillet 2023, dite loi « antisquat » (n°2023-668 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite), cette clause est devenue obligatoire dans tous les nouveaux contrats de location. Cette obligation s’applique tant aux baux d’habitation classiques qu’aux locations meublées. La modification de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 a ainsi renforcé la position des propriétaires face aux locataires qui ne respecteraient pas leurs engagements contractuels.
Les situations autorisant l’application de cette clause
La loi encadre strictement les cas dans lesquels la clause résolutoire peut être mise en œuvre. Quatre situations précises permettent au bailleur de déclencher cette procédure :
Le non-paiement des loyers et charges constitue le motif le plus fréquent d’activation de la clause résolutoire. Si le locataire ne s’acquitte pas de ses obligations financières aux dates convenues dans le contrat, le bailleur peut entamer la procédure de résiliation. Par exemple, un retard de plusieurs mois dans le paiement du loyer justifie le recours à cette clause.
Le non-versement du dépôt de garantie représente un autre cas d’application. Ce dépôt, généralement versé lors de la signature du bail ou au plus tard à l’entrée dans les lieux, sert de garantie au propriétaire en cas de dégradations ou d’impayés. Son absence peut donc déclencher la clause résolutoire.
Le défaut d’assurance habitation constitue le troisième motif valable. Tout locataire doit obligatoirement souscrire une assurance couvrant les risques locatifs (incendie, dégâts des eaux, explosion). L’absence d’attestation d’assurance, malgré les demandes du propriétaire, peut justifier l’application de la clause.
Enfin, les troubles de voisinage constatés par une décision de justice peuvent entraîner la résiliation du bail. Ces troubles doivent être graves et répétés (nuisances sonores excessives, comportements dangereux, dégradations des parties communes) et avoir fait l’objet d’une décision judiciaire pour permettre l’activation de la clause.
Avantages pour les propriétaires bailleurs
Pour les propriétaires, la clause résolutoire offre une sécurité juridique considérable. Elle permet d’agir rapidement face à un locataire qui ne respecte pas ses obligations essentielles, sans devoir attendre une décision judiciaire sur le fond. Cette disposition contractuelle autorise une résiliation unilatérale du bail, ce qui constitue un avantage majeur pour protéger son investissement immobilier.
L’accélération des procédures d’expulsion représente un autre bénéfice significatif. En présence d’une clause résolutoire, la procédure judiciaire se limite à vérifier que les conditions de mise en œuvre de la clause sont réunies, sans avoir à apprécier la gravité des manquements. En comparaison, sans cette clause, le bailleur devrait engager une procédure de résiliation judiciaire classique, beaucoup plus longue et incertaine, où le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu sur l’opportunité de résilier le bail. La différence peut se compter en mois, voire en années de procédure.
Droits et protections des locataires
Face à cette clause qui peut sembler drastique, les locataires bénéficient néanmoins de protections légales significatives. La loi encadre strictement l’application de la clause résolutoire pour éviter tout abus de la part des bailleurs. Ainsi, avant toute résiliation effective, le locataire doit recevoir une mise en demeure formelle, suivie d’un commandement de payer ou de faire délivré par huissier.
Des délais de régularisation sont prévus par la loi, permettant au locataire de remédier à son manquement. Pour les impayés de loyer ou le non-versement du dépôt de garantie, le locataire dispose d’un délai de deux mois après le commandement pour régulariser sa situation. Pour le défaut d’assurance ou les troubles de voisinage, ce délai est d’un mois. Durant cette période, le locataire peut éviter la résiliation en s’acquittant de ses obligations ou en corrigeant son comportement. Le juge peut même, dans certaines circonstances, accorder des délais de paiement supplémentaires si le locataire justifie de difficultés temporaires.
Comment rédiger correctement cette disposition dans un bail
La rédaction d’une clause résolutoire valide nécessite une formulation claire et précise. Elle doit explicitement mentionner les obligations dont le non-respect entraînera la résiliation automatique du bail. Toute ambiguïté pourrait rendre la clause inopérante ou contestable devant un tribunal. Nous recommandons d’énumérer précisément les quatre cas légaux permettant son application : non-paiement des loyers et charges, non-versement du dépôt de garantie, défaut d’assurance, et troubles de voisinage constatés par décision de justice.
La clause doit spécifier les délais et procédures à suivre en cas de manquement, conformément aux dispositions légales. Elle doit mentionner l’obligation d’une mise en demeure préalable, suivie d’un commandement par huissier, ainsi que les délais de régularisation accordés au locataire. Pour garantir sa validité juridique, il peut être judicieux de faire appel à un professionnel du droit immobilier (avocat spécialisé, notaire) qui saura adapter la formulation aux spécificités de votre situation.
Voici un exemple de formulation type pour une clause résolutoire :
« À défaut de paiement de tout ou partie du loyer, des charges ou du dépôt de garantie et deux mois après commandement de payer demeuré infructueux, le présent contrat sera résilié immédiatement et de plein droit. De même, en cas de trouble de voisinage constaté par une décision de justice, ou à défaut de production par le locataire d’un justificatif d’assurance couvrant ses risques locatifs, et un mois après commandement resté infructueux, le contrat sera résilié de plein droit. Le bailleur pourra, dans le cas où le locataire ne quitterait pas les lieux, l’y contraindre par simple ordonnance de référé. »
Procédure de mise en œuvre en cas de manquement
L’application d’une clause résolutoire suit une procédure strictement encadrée qui commence par la constatation du manquement. Le bailleur doit d’abord réunir les preuves du non-respect des obligations par le locataire (quittances impayées, absence d’attestation d’assurance, etc.). Une fois le manquement établi, il doit adresser une mise en demeure au locataire, généralement par lettre recommandée avec accusé de réception, l’invitant à remédier à la situation.
Si cette mise en demeure reste sans effet, le bailleur doit faire délivrer un commandement par huissier de justice. Ce document officiel rappelle au locataire son obligation et l’informe des conséquences de son inaction. À partir de la signification du commandement, le locataire dispose d’un délai légal pour régulariser sa situation (deux mois pour les impayés, un mois pour les autres manquements). Si le locataire ne régularise pas sa situation dans ce délai, le bail est théoriquement résilié de plein droit. Toutefois, en pratique, le bailleur devra généralement saisir le juge des référés pour obtenir une ordonnance d’expulsion si le locataire se maintient dans les lieux.
| Type de manquement | Délai de régularisation après commandement | Possibilité de délais supplémentaires |
|---|---|---|
| Non-paiement des loyers et charges | 2 mois | Oui, à l’appréciation du juge |
| Non-versement du dépôt de garantie | 2 mois | Oui, à l’appréciation du juge |
| Défaut d’assurance habitation | 1 mois | Non |
| Troubles de voisinage | 1 mois | Non |
Différences avec d’autres mécanismes de résiliation du bail
La clause résolutoire se distingue nettement des autres mécanismes de résiliation du bail par son caractère automatique. Contrairement à la résiliation judiciaire classique, où le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer la gravité des manquements et décider de l’opportunité de résilier le bail, la clause résolutoire opère de plein droit dès que les conditions sont réunies. Le juge ne fait que constater l’application de la clause sans pouvoir en apprécier le bien-fondé.
Le congé pour motif légitime et sérieux constitue un autre mécanisme distinct, qui permet au bailleur de ne pas renouveler le bail à son échéance, mais nécessite un préavis de six mois et un motif valable. La clause résolutoire, quant à elle, peut être activée à tout moment du bail dès qu’un manquement est constaté. Elle s’avère particulièrement adaptée aux situations d’urgence, comme des impayés répétés ou des troubles graves, où le bailleur ne peut attendre l’échéance du bail pour récupérer son bien.
Conseils pratiques pour les deux parties
Pour les bailleurs comme pour les locataires, certaines précautions peuvent faciliter la gestion des situations potentiellement conflictuelles :
Pour les propriétaires bailleurs :
- Effectuez une vérification régulière des paiements et conservez tous les justificatifs (relevés bancaires, quittances) pour documenter d’éventuels retards ou impayés
- Demandez systématiquement l’attestation d’assurance habitation chaque année et conservez-en une copie
- En cas de problème, privilégiez d’abord le dialogue et les solutions amiables avant d’engager une procédure formelle
- Faites appel à un huissier de justice dès que nécessaire pour les mises en demeure et commandements, afin de respecter scrupuleusement la procédure légale
Pour les locataires :
- Respectez scrupuleusement vos obligations contractuelles, particulièrement le paiement du loyer aux dates convenues
- En cas de difficultés financières temporaires, informez rapidement votre bailleur et proposez un échéancier de paiement
- Conservez toutes les preuves de paiement et de respect de vos obligations (quittances, attestations d’assurance, etc.)
- Si vous recevez une mise en demeure ou un commandement, réagissez immédiatement en régularisant votre situation ou en consultant un professionnel du droit
Questions fréquemment posées
La clause résolutoire est-elle rétroactive pour les baux signés avant juillet 2023 ?
Non, l’obligation d’inclure une clause résolutoire ne s’applique qu’aux nouveaux contrats de location signés après l’entrée en vigueur de la loi du 27 juillet 2023. Les baux antérieurs ne sont pas concernés par cette obligation, mais peuvent déjà contenir une telle clause si elle a été volontairement insérée par les parties.
Peut-on contester l’application d’une clause résolutoire ?
Oui, le locataire peut contester l’application de la clause résolutoire devant le juge des référés. Il peut notamment invoquer des irrégularités dans la procédure (absence de mise en demeure préalable, non-respect des délais), ou demander des délais de paiement en cas de difficultés temporaires justifiées.
Quels sont les recours possibles pour chaque partie ?
Le bailleur peut saisir le juge des référés pour obtenir une ordonnance d’expulsion si le locataire se maintient dans les lieux après la résiliation du bail. Le locataire peut demander au juge de suspendre les effets de la clause résolutoire en cas d’impayés, en sollicitant des délais de paiement s’il justifie de difficultés temporaires.
Comment prouver un trouble de voisinage ?
Les troubles de voisinage doivent être constatés par une décision de justice pour permettre l’application de la clause résolutoire. Le bailleur doit donc d’abord réunir des preuves (témoignages, constats d’huissier, plaintes, procès-verbaux de police) et saisir le tribunal pour faire reconnaître ces troubles, avant de pouvoir activer la clause résolutoire.
La clause résolutoire représente un équilibre délicat entre la protection des intérêts légitimes des bailleurs et les droits fondamentaux des locataires. Sa compréhension approfondie s’avère essentielle pour tous les acteurs de l’immobilier locatif. Pour les propriétaires, elle offre un outil efficace de protection contre les locataires défaillants. Pour les locataires, connaître ses modalités d’application permet d’éviter des situations critiques pouvant mener à une expulsion. En cas de doute sur l’interprétation ou l’application de cette clause, nous vous recommandons vivement de consulter un professionnel du droit immobilier qui saura vous guider selon votre situation spécifique.


